Unité de l’Eglise – suite et fin

#Crédo , #Degré 1 , #Histoire


Morceaux choisis à partir de la lettre de Mgr. Hilarion Troïtsky (1886-1929) à H. Gardiner.

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Le début de cette série d’articles : https://www.pravoslavie.fr/blog/47/unite-de-l-eglise

Traduction de la citation ci-après : " Seulement l'Eglise donne le sens et la valeur de la vie sur terre. Si lors de notre vie nous ne servons pas Dieu selon la tradition de l'Eglise, alors il n'y a aucun sens dans toute activité terrestre et nous n'avons pas de finalité de l'existence dans ce monde créé par Dieu ".

Après avoir examiné la pratique de l’Eglise ancienne et sa signification dogmatique, je ne suis pas du tout convaincu que le fait de recevoir les Latins (il s’agit d’hétérodoxes papistes romains après 1054 – note de rédacteur) dans l’Eglise sans les baptiser montre la validité des sacrements latins pris en eux-mêmes.

Dans les siècles qui ont suivis la séparation de Rome, l’Eglise grecque et l’Eglise russe recevaient les Latins soit par la chrismation soit par le baptême. Pendant longtemps cette question n'a pas été réglée.

Les témoignages historiques de baptême des Latins ne manquent pas. On peut citer l’exemple de Stéphane Nemanya au XIIème siècle : son père, un prince serbe, fut forcé de le baptiser selon le rite latin, mais plus tard, quand il revint à Rascia, il le fit rebaptiser dans l’Orthodoxie.

L’évêque de Cracovie, Mathieu, dans une lettre de 1130 invite Bernard, l’Abbé de Clairvaux, à s’occuper de Ia conversion des Russes au papisme et affirme que ceux-ci rebaptisent les Latins.

C’est un fait reconnu que Manuel Ier a accueilli très chaleureusement à Constantinople en 1147 Ludwig VII ; cependant le récit de voyage en Orient de ce prince, « odo de Dioglio » mentionne le fait que les Grecs rebaptisaient les Latins.

Toujours au XIIème siècle, notre évêque de Novgorod, Niphon, enseigne à Kyrikos que les Latins doivent être reçus par la Chrismation. Selon ses propres paroles, c’est comme cela qu’on les recevait dans l’Eglise à Constantinople ; cependant seuls les détails ayant rapport au rituel intéressent ici Niphon.

A la fin du XIIème siècle, Théodore Balsamon interdit aux prisonniers latins l’accès aux sacrements tant qu’ils n’ont pas renoncé aux dogmes et aux usages latins, tant qu'ils n’ont pas été catéchisés selon les Canons et il affirme qu'on ne peut les considérer comme orthodoxes. Balsamon prouve la nécessité de traiter ainsi les latins par le fait que ces derniers se sont séparés de l’Eglise et que le Pape de Rome n'est pas commémoré avec les Patriarches orthodoxes. D’après l’interprétation du Canon 14 du IVème Concile Œcuménique, Balsamon montre que les Orthodoxes exigeaient des Latins la renonciation à leur hérésie s’ils désiraient se convertir. Il est tout à fait possible que par « soient catéchisés » dans le premier cas et par « renonciation » dans le second, le baptême des Latins ne soit pas désigné, mais Balsamon considère que les Latins n'appartiennent pas à l’Eglise. Le IVème Concile du Latran, en 1215, montre qu’après l’apostasie de Rome, les Grecs se mirent à rebaptiser ceux qui l’avaient été par les Latins, et continuèrent à le faire au XIIIème siècle.

A peu près à la même époque, l'Archevêque Bulgare, Démétrius Chomatinos affirme qu’il y avait diverses attitudes à l’égard des Latins et de leurs sacrements.

En 1222 le Pape Honorius III mentionne dans une lettre aux juges de Livonia le fait que l’évêque de cette ville l’a informé « quod Rutheni Latinorum Baptismum, quasi rem detestabilem execrantes… ».

En 1232, le Pape Grégoire IX a écrit au clergé polonais pour l’enjoindre d'interdire le mariage de femmes catholiques romaines avec des Russes car ils les font baptiser selon leurs propres rites (in contemptum fidei Christianae secundum ritum ipsorum denuo baptizari faciunt).

Des sources russes montrent qu’au XIVème siècle on baptisait les Latins. Nos chroniques de 6841 (1333) rapportent comment le Grand-Duc Ivan Danilovitch a marié son fils Syméon : « De la Lituanie ils firent venir une princesse du nom d'Augusta qui fut baptisée sous le nom d’Anastasia ».

Au XVème siècle l'Église grecque cessa de baptiser les Latins. C’est par Ia chrismation qu’elle les reçut désormais. C’est le Concile de Constantinople de 1484 qui décréta que, pour être reçus dans l’Eglise, les Latins devaient renoncer au « filioque », à l’emploi du pain azyme et aux autres coutumes latines ; « après quoi ils seraient immédiatement oints du Saint Chrême par le prêtre ». Quoique ne baptisant pas les Latins, ils les recevaient néanmoins comme l’Eglise ancienne recevait les Ariens, les Macédoniens et les autres.

II est remarquable que les écrivains grecs du XVème siècle prouvent que les Latins sont des hérétiques par le fait qu’on les reçoit par la Chrismation. Ainsi saint Marc d'Ephèse écrit : « Les ordonnances de la piété disent que même ceux qui se séparent de l’Eglise Orthodoxe pour la moindre raison sont des hérétiques et tombent ainsi sous le coup des sentences concernant les hérétiques. Pourquoi donc chrismons-nous ceux qui s’unissent à nous ? II est évident que c’est parce qu’ils sont hérétiques ».

Les écrits de saint Marc d’Ephèse montrent que les Latins étaient simplement chrismés mais cela ne signifie nullement qu’il considère ceux-ci comme des membres de l’Eglise. Sa position sur cette question est claire et bien nette : « Ils se sont coupés de l’Eglise et séparés du Corps du Christ… Nous les avons abandonnés comme hérétiques et nous nous sommes séparés d’eux ». Saint Marc d’Ephèse se réfère au VIIème Concile Œcuménique pour prouver que les Latins étaient reçus dans l’Eglise comme les hérétiques dans l’Eglise ancienne et que, par conséquent, eux-aussi sont des hérétiques.

Au contraire à partir du XVème siècle la règle dans l'Église russe fut de rebaptiser les Latins. Ainsi les chroniques observent qu’au XVème siècle Jean Friazini, un vénitien qui travaillait à Moscou comme monnayeur, « a été baptisé parmi nous ».

Il y a énormément de témoignages concernant le re-baptême des Latins à partir du XVIème siècle. Au Concile de Latran Jean Lasski, archevêque de Guezno, affirme ce qui suit des Russes : « Ils disent que tous ceux qui se sont soumis à l’Eglise de Rome ne sont pas de véritables chrétiens et ne seront pas sauvés… Ils profanent, méprisent, tournent en dérision tous les sacrements de l’Eglise ».

Vers 1670, Daniel, prince de Buchor se rendit à Moscou en tant qu’ambassadeur extraordinaire de l’Empereur Autrichien. Dans son ouvrage « Naissance et essor de Moscou », on peut lire : « Ils rebaptisent ceux de nos compatriotes qui se convertissent à leur Foi, car, pour eux, notre baptême n’est pas valable. Ils invoquent la raison suivante pour justifier cela : le baptême est une immersion et non une aspersion. Comme le Grand-Duc donne de l’argent aux insensés qui acceptent de se faire rebaptiser, cette pratique est fréquente et offense grandement notre religion catholique ».

A la fin de sa vie, le Tsar Ivan IV se mit à courtiser Mary Hastings, nièce de la reine Elisabeth d'Angleterre. L’attitude despotique du Tsar Ivan IV à l’égard des hiérarques de l’Eglise Orthodoxe est bien connue, cependant lorsque Bowes, l’ambassadeur d'Elisabeth rétorqua au Tsar – qui demandait que sa future épouse soit baptisée – que l’Eglise est une, Ivan fit cette réponse décisive : « la princesse que j’épouserai doit d’abord être baptisée dans la Foi chrétienne ».

En Avril 1590, Ia reine Elisabeth écrivit au Tsar Féodor Ivanovitch pour se plaindre qu’on « forçait certains marchands à recevoir de nouveau le baptême alors qu’ils avaient déjà été baptisés et faits chrétiens ».

Nicolas Varkoch, ambassadeur du Saint Empire Romain, qui était en Russie en 1593 écrit dans le récit de son voyage : « S’il arrive que des chrétiens baptisés se convertissent à leur Foi, ils doivent se laisser à nouveau baptiser par les Russes, parce que les Moscovites ont des doutes sur la validité de notre baptême. Le pauvre pécheur qui accepte d'être baptisé doit renier le baptême qu'il a reçu et être baptisé de nouveau ».

Dans sa lettre Encyclique du 14 Juin 1613, Sylvestre, archevêque de Vologda écrit à Bartholomé, prêtre à Arkhangelsk : « Quand vous recevez cette lettre, vous, prêtres et diacres d'Arkhangelsk, prierez ces étrangers de se préparer au baptême. Et vous les baptiserez dans la vraie Foi Orthodoxe, selon les Canons des Saints Apôtres et des Saints Pères ; vous leur commanderez de maudire leur hérésie et d’y renoncer, de renier le paganisme et de se tourner vers le vrai Dieu ; après le baptême et la communion, vous leur ordonnerez de jeûner le plus possible ».

Au début du XVIIème siècle, à la fin du « temps des troubles » (« Smoutnoïe Vriemya »), la question du baptême des Latins prit une dimension politique à Moscou parce qu’en 1613, la Russie se trouva enfin sous une dynastie russe à la place d'une polonaise et aussi parce que le peuple et Ia hiérarchie russes étaient convaincus de la nécessité de rebaptiser les Latins. Quand la couronne fut proposée au prince polonais Vladislav, le peuple exigea qu’il fût auparavant baptisé dans la Foi Orthodoxe.

Le 17 Août 1610, saint Hermogène, Patriarche de Moscou, les Métropolites, les Archevêques, les Evêques, les Archimandrites, les Prêtres et toute l’Eglise, les boyars, les gens de la cour, les dignitaires, militaires et civils de tous rangs, rédigèrent des « Instructions » destinées à l’ambassade, qui avait à sa tête le Métropolite Philarète de Rostov et était envoyée en mission auprès du Roi Sighismound III pour le prier de laisser le Prince Vladislav libre d’accéder au trône du Tsar. Dans ces « Instructions », on trouve au premier plan la condition suivante, maintes fois répétée : « Si Sa Majesté le Prince Vladislav Sighismoundovitch voulait bien être baptisé dans la Foi Orthodoxe selon le Canon grec… ».

Aux boyars le Prince Vassily Vassilievitch et ses compagnons dirent : « Nous savons que sa Majesté le Prince a été baptisé dans la foi romaine selon le canon romain, mais que sa Majesté ait pitié de nous car il est bon que sa Majesté reçoive le vrai et saint baptême de notre Sainte Eglise selon le Canon grec ».

Ils envoyèrent également une lettre à Vladislav au nom du Patriarche Hermogène, de tout le clergé russe et des laïcs de tous rangs et de toutes vocation. Dans cette lettre l’idée centrale est : « Acceptez le saint baptême avec paix, douceur et humilité » ; ils lui citent en exemple saint Vladimir, égal aux Apôtres.

Au regard de tous ces témoignages, je pense qu’il est inexact de considérer comme une innovation la décision du Concile de Moscou de 1620. Le concile de Moscou lui-même considérait sa décision non comme une nouveauté mais comme la confirmation d’un usage ancien.

Le Patriarche Philarète explique clairement les raisons qui ont motivé la décision de 1620 : « En la deuxième année de mon apostolat, en l’année 7128 (1620) depuis la création du monde, deux prêtres Ivan et Euphimy de l’Eglise de la Vénérable et Glorieuse Nativité de la très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, qui se trouve à Stolechniki, m’ont informé des faits suivants concernant Jonas, Métropolite de Sarsk et Podonsk : ce Métropolite a ordonné à ces deux prêtres, Ivan et Euphimy, de ne pas baptiser les Polonais venant du Catholicisme Romain et voulant se convertir et qui portent les noms de Jan Slobotsky et Matvey Svetisky, mais de se contenter de les oindre du Saint Chrême, puis de leur donner la communion au précieux Sang et au Corps de Notre Seigneur. Ils m’ont apporté une lettre du Métropolite Jonas leur ordonnant de ne pas baptiser mais seulement de chrismer. Quant à moi, l’humble Philarète, je n'ai pas négligé ce schisme de peur que les brebis du troupeau du Christ ne périssent, et j’ai voulu mettre l’affaire qui m'a été rapportée à l’épreuve de l'Écriture et de Ia Vraie Foi, afin qu’en vérité, aucun reste de paganisme ou de judaïsme ne soit mêlé au blé mûr, mais soit arraché comme l’ivraie, pour nettoyer le champ de l’Eglise ; c’est pourquoi j’ai convoqué le Métropolite Jonas ».

Le Patriarche rappela au Métropolite le cas du Patriarche Ignatius qui, « voulant plaire aux hérétiques, fit entrer Marinka, papiste et hérétique, dans la Cathédrale de la Dormition et ne la baptisa pas du saint baptême des chrétiens, mais se contenta de Ia oindre du saint Chrême pour finalement la marier à un prêtre défroqué. Comme Judas le traître, il a insulté le Christ ; et pour cette faute les hiérarques de la Sainte Eglise Russe déposèrent Ignatius et le déchurent de son rang épiscopal, en l’an 7116 (1606), pour avoir méprisé les Canons des Saints Apôtres et des Saints Pères ».

Le Patriarche Philarète rappelle d'autre part que saint Hermogène l’envoya auprès de Vladislav « pour le faire Tsar et le baptiser dans la vraie Foi Orthodoxe, selon le canon grec. Et notre père, le très saint Patriarche Hermogène me donna une lettre reproduisant les Canons des Saints Apôtres et des Saints Pères pour l’affermissement de tous et pour expliquer à tous les hérétiques quels qu'ils soient la nécessité d'être baptisés ».

Le Patriarche dit qu’après avoir étudié les Canons, il a compris que « tous les hérétiques, quels qu’ils soient, sont privés du vrai et saint baptême par l’eau et par l’Esprit. C’est pourquoi, dit-il, que tous les hérétiques qui viennent à la Foi Orthodoxe reçoivent le vrai baptême… ».

Et il ajoute contre Jonas : « Mais comment vous permettez-vous, à Moscou, la cité impériale, d’introduire et d’établir une règle contraire aux canons des Saints Pères, aux sept Conciles Œcuméniques et aux saints Patriarches ? Pourquoi n’ordonnez-vous pas à ceux qui viennent du Catholicisme Romain d'être baptisés par la triple immersion ? Pourquoi ne considérez-vous pas leur hérésie et vous contentez-vous de les oindre du saint Chrême ? Moi, l’humble serviteur, je ne veux pas entendre parler des nouveautés trompeuses que vous avez introduites, car il est contraire aux divins canons d’introduire et d’enseigner des choses nouvelles, comme vous le faites, lorsque vous prétendez qu’il n’est pas bon que ces papistes soient baptisés et qu’en cela vous respectez les canons des Saints Pères. … Car depuis l’époque du Grand-Duc Vladimir, de bienheureuse mémoire, celui qui a illuminé toute la Sainte Russie du saint Baptême qu'il reçut des Grecs, et jusqu'à nos jours de cette année 7128, personne d’entre-nous n’a osé commettre un si scandaleux acte d’hérésie, sauf Ignatius le Patriarche déchu et vous-même. … Depuis le début de l’Etat de Moscou jusqu'à nos jours, pas une seule fois des hérétiques papistes ou d’autres n’ont été reçus sans baptême, sauf par Ignatius, le Patriarche déchu, qui a été déposé ».

En 1621 le Patriarche Philarète fit paraître un décret sur la question des Russes de Biélorussie : lesquels baptiser, lesquels chrismer, lesquels recevoir sans chrismation ni baptême ? Il répondait que ceux qui avaient été baptisés par les Uniates devraient être baptisés par la triple immersion « parce qu'ils avaient été baptisés par un apostat qui prie Dieu pour le Pape ». Mais en écrivant ces directives le Patriarche Philarète rappelait également qu’il « n’avait pas introduit une nouvelle tradition, mais n’avait fait que renouveler et affermir l’ancienne ».

Tous ces propos du Patriarche Philarète ont un fondement historique authentique. C’est pourquoi même les étrangers qui se trouvaient à Moscou après 1620, quand ils songent au re-baptême des Latins ne parlaient pas de cette pratique comme si elle venait tout juste d’apparaître.

Dans les années 1630, Adam O’Leany s’intéressa à la question du baptême dans l’ancienne Russie. Il décrit les rites, examine la question du re-baptême d’un point de vue historique : « les Russes, ont sans aucun doute, emprunté aux grecs la pratique du re-baptême des chrétiens qui viennent à eux. Les grecs, en effet, après s'être séparés de l’Eglise latine ont considéré que le baptême latin n'est pas suffisant ; ainsi donc ils baptisent une seconde fois ceux de l’Eglise Romaine qui viennent à eux et deviennent membres de l’Eglise grecque. »

O’Leany cite ensuite les actes du Concile de Latran. Chez O’Leany on pourrait s’attendre à trouver des remarques concernant l’innovation récente qui consiste à rebaptiser les chrétiens occidentaux à Moscou et pourtant on ne trouve rien de semblable.

Le Baron Augustin Maierberg qui était à Moscou en 1661 rapporte, sans autre précision, que : « Les Moscovites pensent que le baptême n’a pas d’effet si le baptisé n’est pas plongé trois fois dans l’eau, selon l’usage de l’Eglise ancienne. C’est pourquoi, si un catholique romain vient à la Foi Orthodoxe, ils le rebaptisent par une triple immersion, parce qu’il n’aurait pas été baptisé selon le rite de l’Eglise ; ils annulent même son mariage, s’il était marié auparavant, car ils considèrent qu’il n’aurait pas dû aller vers les autres sacrements alors qu’il n’appartenait pas encore à l’Eglise, n'ayant pas reçu le saint baptême. Tout de suite après ils signent le baptisé du saint Chrême, car ils n’accordent aucune valeur à la chrismation des Latins, la considérant « comme inefficace ».

Heinrich Sederberg qui se trouvait en Russie de 1704 à 1718 écrit dans ses « Notes sur la religion et la morale du peuple russe » : « Bien qu’ils considèrent les catholiques romains comme chrétiens, ils pensent néanmoins que leur enseignement est plein d’innombrables erreurs et ils ne les traitent pas différemment de ceux qui viennent à leur foi ; ils les baptisent à nouveau, en disant qu’ils sont des Latins ».

Sous le Patriarche Cyrille V de Constantinople en 1756, il fut décidé de considérer ceux qui venaient des confessions occidentales « comme non sanctifiés et non baptisés ». Puis le document se réfère à l’unité de la Vraie Eglise Apostolique qui possède les Mystères : « le baptême des hérétiques étranger à l’ordonnance divine et apostolique n’est que de l’eau sans effet, selon l’expression du divin Ambroise et du grand Athanase ; il n’accorde pas la sanctification à celui qui le reçoit et il est inefficace pour purifier les péchés. Il doit par conséquent être rejeté ».

A la fin du XVIIIème siècle fut composé le « Pidalion » grec dans lequel le baptême des latins est dit « faussement appelé baptême » ; le Canon premier de saint Basile le Grand, dans son aspect dogmatique, y est appliqué à la hiérarchie latine (« ils sont devenus des laïcs »). Il est vrai que la décision de 1756 fut prise dans une période extérieurement troublée de la vie de l’Eglise. A cette époque le peuple se rebella contre le Patriarche Païssios et éleva à nouveau au trône Patriarcal Cyrille V, qui, déjà lors de son premier terme patriarcal (de 1748 à 1751) s'était prononcé pour le re-baptême des latins. Il ne faut pas expliquer les événements de 1756 par les seules activités et par la seule prédication du moine Auxentios, les Turcs l’avaient étranglé et noyé dans la mer avant que Cyrille V soit élevé au trône patriarcal. Mais le fait est qu’à partir du milieu du XVIIIème siècle les Grecs se mirent à rebaptiser les Latins.

Notons cependant qu’en Orient, on ne suivit pas toujours cet usage, comme par exemple, lors de la réception dans l’Eglise Orthodoxe des (Hétérodoxes Romains) Arabes à Ptolemaïdes ou de Syriens melkites en 1861.

Nous avons esquissé ici l’histoire des modes de réception des chrétiens occidentaux dans l'Église après que le Patriarcat de Rome se fut séparé de l’Eglise Orthodoxe. Pendant des siècles, les usages de l’Eglise Orthodoxe furent variés, oscillant entre le baptême et la chrismation ; les Eglises locales prirent différentes décisions conciliaires, qui varièrent selon les siècles.

Seules des raisons d’économie expliquent les usages de l’Eglise à l'égard des Latins et non des considérations dogmatiques sur l’unité de l’Eglise du Christ. L'Eglise Orientale après 1054, tout comme l’Eglise ancienne avant 1054, ne s’est pas égarée ou fourvoyée. A cause du salut de l'âme des Latins désireux de se convertir, elle a eu parfois l’indulgence de ne pas exiger leur baptême dans l’Eglise Orthodoxe, bien que leur rite de l’aspersion diffère, dans ses formes, du rite de l’Eglise Orthodoxe. Elle a néanmoins gardé intact son enseignement dogmatique concernant l’unité de l’Eglise.

L’Eglise est « la colombe, la seule mère des chrétiens » (Canon 68 du Concile de Carthage). Je ne peux croire en une pseudo-Église « Une », dans laquelle les Églises locales sont en guerre les unes contre les autres, ne communiant pas au même pain, baptisant ou chrismant ceux qui viennent d’une autre Église locale, et dans laquelle une Église locale crée des missions spécialement destinées à calomnier et détruire les autres. Comment peut-on appeler ceci une « Église Une » ? Quelle contre-vérité ! Et, en matière de Foi, les contre-vérités ne sont pas permises.

Si l’on suit le premier Canon de saint Basile, en dehors de l’Eglise la grâce n’existe pas, toute succession apostolique est illégitime, puisque c’est alors un laïc (et, en réalité, moins que cela) qui impose les mains sur un autre laïc, sans lui communiquer la moindre grâce, puisqu'en dehors de l’Eglise il n'y en a pas et il n’y en aura jamais. … D'après le canon de saint Basile le Grand, il est impossible de recevoir la grâce de l’Eglise par l’intermédiaire d'évêques appartenant à une communauté étrangère à l’Eglise, comme l'étaient les évêques latins d'avant la Réforme en Angleterre, car la grâce s'était déjà tarie depuis le schisme de 1054.

Puisse l’enseignement que j'ai présenté sur l'unité de l’Eglise et l’unité de la grâce servir l’œuvre d’union des chrétiens et n’être pas un facteur de division. L’union avec l’Eglise – la participation au corps de l’Eglise du Christ Une et vivante est la première des priorités. Ce qu’un homme a été avant de rejoindre l’Eglise ne doit pas compter : ce qui compte pour son salut c’est qu’il devienne, en s’unissant à l’Eglise, un membre du Corps du Christ.

Parler d'union, tout en détruisant et en rendant obscure l’idée même de l'Église Une du Christ servira-t-il l’œuvre d’unité ? Pourquoi bâtir un édifice sur le sable quand nous avons le roc sûr et indestructible de l’Eglise du Christ ?

Notre lot est de vivre en des temps de grands bouleversements mondiaux. La tour culturelle de Babel est en train de s’effondrer. Dans un futur proche ne poserons-nous pas de nouvelles pierres sur l’édifice mystique de l'Église Une du Christ ? Si seulement cela pouvait être vrai ! Si seulement l’inimitié et la guerre étaient remplacées par la joie dans les cieux et sur la terre devant l’accroissement du nombre des enfants de la vraie Église Une !

18 janvier 1917.

Mémoire de nos Pères parmi les Saints

Athanase et Cyrille d’Alexandrie.