C'est une image de la modernité de la ville de Kiev. Mais je souhaite vous parler d'une de personnalité qui a grandement et positivement influencé son histoire plus que millénaire.
La conversion progressive des peuples slaves au christianisme est datée de neuvième et dixième siècles, suite à une mission de saints frères Cyril et Méthode, ordonnée par saint Photios, patriarche de Constantinople.
La vie de saint Théodose de Kiev se passe moins de 100 ans après le baptême de la Russie Kiévienne, organisé par saint Vladimir en 988. Les membres du clergé orthodoxe s'employèrent à évangéliser le pays. Saint Théodose fut de ceux-là, et il l’a fait par l’exemple de sa vie, plus que par ses prêches. C'était un homme doux, patient, miséricordieux. Il fut aussi un organisateur génial.
Saint Théodose des Grottes de Kiev (nommé également Théodose Kievo-Petcherski ou encore Théodose des Cryptes de Kiev ou encore Feodosiy Kievo-Petcherskiy) est considéré comme l'un des pères du monachisme russe. La vie de saint Théodose est connue grâce à la biographie écrite par le moine Nestor quelques années seulement après la fin de sa vie terrestre en 1074.
Saint Théodose de Kiev fut canonisé en 1108 par le métropolite de Kiev Nicéphore Ier, car la vénération de saint Théodose n’a fait que croître après sa mort, et s’est répandue dans toutes les couches de la société russe. Il est toujours célébré très solennellement dans la tradition ecclésiastique russe : le 3 mai selon le calendrier ecclésiastique (16 mai selon le calendrier civil), le jour de sa naissance au Ciel, et le 14 août selon le calendrier ecclésiastique (27 août selon le calendrier civil), le jour de transfert de ses reliques.
Théodose est un prénom d'origine grecque (Θεοδόσιος), en latin : Theodosius. Ce prénom signifie « don de Dieu ». La vie de saint Théodose est effectivement un cadeau de Dieu à une toute jeune église locale, pour l’affermir le peuple russe sur le mode de vie chrétien et ascétique. Le saint parton de Théodose de Kiev est le saint Théodose le Cénobiarque († 529), célébré le 11 janvier selon le calendrier ecclésiastique (24 janvier selon le calendrier civil). Le saint Théodose le Cénobiarque est appelé également le saint Théodose le Grand, archimandrite de Jérusalem.
Maintenant le monastère des Grottes de Kiev est appelé Laure de Kiev. Ce mot « Laure » (Lavra, en langue russe) est utilisé pour parler d’un monastère particulièrement grand par le nombre de ses habitants, et particulièrement important son histoire et son influence sur la société. L’Empire Russe connait seulement quatre Laures sur son territoire : la Laure des Grottes de Kiev, au nord-est de Moscou – la Laure de saint Serge de Radoniege (appelée également « Laure de Sainte-Trinité et de st Serge), à l’ouest de Kiev – la Laure de Potchaiev (bastion de l’Orthodoxie contre les uniates-papistes), et la Laure de Saint Alexandre de Nievsky à Saint-Pétersbourg.
Pareil que son saint patron, le Saint Théodose de Kiev († 1074), higoumène de la Laure des Grottes de Kiev est fondateur du monachisme cénobitique en Russie (actuellement divisée en : Fédération de Russie, Ukraine et Biélorussie).
Cénobite et cénobitisme sont des termes qui se rapportent aux moines qui vivent en communauté (Kino via = vie en commun, au sien d'une communauté monacale, en partageant les tâches et en s’entraidant). Le moine cénobite est l'inverse d'un moine ermite (anachorète) : ce dernier aspire au calme, la solitude et le silence.
La vie dans le monde du futur saint
Saint Théodose naquit en 1009 à Vassiliev, près de Kiev. Les parents de Théodose sont chrétiens. Son père est employé au service du prince. Ensuite, la famille déménage à Koursk. Son père décède quand Théodose n’a que 13 ans. En grandissant, Théodose devient très pieux : il fuyait les rires et les jeux pour se consacrer à la lecture des Livres Saints et à la prière. Après la mort de son père, il entreprit de mener une vie plus strictement conforme aux enseignements évangéliques. Désirant imiter le Seigneur qui s'est abaissé jusqu'à la condition d'esclave, il allait travailler aux champs avec les serviteurs et se faisait de bon gré le dernier de tous. Sa mère était fort irritée par cette conduite et considérait qu'il jetait ainsi le discrédit sur sa lignée en se mêlant aux gens de basse condition. Malgré les punitions répétées, l'esprit de Théodose n'en restait pas moins attaché au souci de plaire à Dieu, et il nourrissait le désir ardent de faire un pèlerinage aux Lieux Saints.
Une fois, il quitta de nuit, secrètement, la maison familiale pour suivre un groupe de pèlerins en marche vers la Terre Sainte. Dès qu'elle s'aperçut de sa fugue, sa mère s'élança à leur poursuite. Les ayant rejoints, elle attrapa son fils par les cheveux et, après l'avoir frappé à coups de pieds, elle le ramena à la maison comme un criminel. Théodose promit de ne plus la quitter tant qu'il pourrait travailler au salut de son âme, et il reprit sa vie pieuse, assistant chaque jour à la Liturgie et confectionnant lui-même les prosphores. Au bout de quelque temps, craignant les railleries de leurs proches, sa mère voulut lui interdire de s'abaisser ainsi à la tâche de boulanger ; mais Théodose lui montra, à l'aide de citations tirées de la Sainte Ecriture, qu'il n'y a pas de plus noble activité que de préparer les offrandes pour le Saint Sacrifice, et elle le laissa en paix.
Une année plus tard, persécutions et mauvais traitements recommencèrent : et sa mère le rudoya plus violemment encore lorsqu'elle découvrit la ceinture de fer qu'il portait serrée autour de son corps et qui avait laissé des traces de sang sur sa chemise.
La vie monacale
Finalement, en 1032, à l'âge de vingt-trois ans, il s'enfuit à pied de Koursk à Kiev et, guidé par Dieu, atteignit la grotte où vivait Saint Antoine. C’est un moine russe qui est venu du monastère Esfigmenou du mont Athos ; au tour de lui se sont assemblés déjà quelques disciples, en groupement semi-érémitique. Tombant aux pieds de l'Ancien avec larmes, Théodose supplia d’être reçu comme disciple. Saint Antoine essaya d'abord de dissuader le jeune noble, en lui évoquant les difficultés de ce genre de vie, mais voyant son ardent amour de Dieu, il l'accepta et chargea Saint Nikon de le revêtir du Saint Habit angélique.
Il se révèle homme très rigoureux pour lui, n'hésitant pas devant les travaux manuels, très vertueux. Théodose commença aussitôt de jeûner strictement et veillant en prières toute la nuit. Lorsque sa mère le retrouva après de longues recherches et demanda à le voir, Théodose refusa de la recevoir. Comme elle menaçait de se donner la mort sur place, il sortit de la grotte et lui dit : « Mère, si tu veux me revoir, reste à Kiev et prends le voile dans un des couvents de la ville, ainsi tu pourras faire ton salut ». Ayant d'abord opposé de fortes résistances, elle réalisa ensuite la vanité des choses de ce monde et devint moniale au monastère de Saint-Nicolas à Kiev, où elle trouva le repos.
En 1054 Théodose est ordonné hiéro-moine (à la fois prêtre et moine), après le départ de Saint Nikon. La communauté comptait alors douze moines ayant Saint Barlaam pour higoumène. Ils menaient une vie très rude, travaillaient de leurs mains et priaient sans cesse. Au matin ils se réunissaient dans la petite église pour les Matines, puis ils retournaient quelque temps au travail ou à la lecture avant la Liturgie, et, après avoir mangé un peu de pain sec, ils reprenaient en silence leur travail jusqu'aux Vêpres.
Théodose surpassait tous les frères, non seulement par ses labeurs ascétiques, mais surtout par sa douceur et son amour fraternel. Il passait fréquemment toute la nuit en prière ou à lire le Psautier en plein air, indifférent aux piqûres des moustiques, et il ne prenait de repos qu'assis sur un siège. D'autres fois, pendant que les autres moines étaient assoupis, il moulait le grain pour leur épargner de la peine, et à l'aurore, il se trouvait le premier à l'église qu'il était le dernier à quitter.
En 1057, lorsque Saint Barlaam fut transféré dans un autre monastère, Théodose fut choisi unanimement par les frères, en tant qu’higoumène (abbé ou supérieur d'un monastère orthodoxe). Saint Théodose dirigea les moines en tant qu’higoumène, mais avec la supervision paternelle de Saint Antoine.
Saint Nestor, dans sa Chronique, rapporte ainsi sa désignation : "quand Barlaam s'en alla au monastère de Saint-Dimitri, les frères tinrent conseil et allèrent trouver le saint Antoine pour lui dire : « Donne-nous un higoumène. » Il leur dit : « Qui voulez-vous ? ». Ils répondirent : « Celui que vous voudrez, Dieu et toi. ». Il leur dit : « Qui parmi vous est plus grand que Théodose ? Il est obéissant, modeste, humble ; qu'il soit votre higoumène. ». Les frères se réjouirent et s'inclinèrent devant le vieillard et établirent Théodose comme hégoumène sur les frères qui étaient au nombre de vingt.".
La renommée de saint Théodose a attiré une centaine de moines au monastère. La communauté prit alors une grande extension, de sorte qu'il devint nécessaire de construire de nouvelles cellules et une église à quelque distance des grottes. Grâce à l'aide du prince de Kiev, Iziaslav, l'entreprise put être menée à bien. Il se révèle homme faisant preuve d'une grande aptitude à gouverner les hommes. Il construit une nouvelle église qui fut inaugurée en 1062. C'est la date de la fondation du monastère des Grottes (Petcherskaïa Lavra).
Il n'était cependant plus possible de garder pour cette importante communauté la liberté et la souplesse de vie du premier groupe d'ascètes des grottes. Une règle de vie cénobitique était nécessaire. C'est pourquoi Saint Théodose chargea le moine Ephrem, qui avait entrepris un pèlerinage aux Lieux Saints et à Constantinople, de s'informer sur les usages des monastères de l’Empire Romain d’Orient. Il rapporte une copie du Typikon de l'illustre monastère du Stoudion, rédigé par le patriarche Alexis le Stoudite pour un monastère qu'il avait fondé.
Le Monastère des Grottes de Kiev est devenu désormais d'un véritable Cénobie (Kino via), fidèle héritier du monachisme oriental, qui allait servir de prototype à tous les autres monastères russes au cours des siècles.
Gloire durant sa vie sur terre
Le bon ordre et l'harmonie y régnaient et faisaient du monastère une image du Royaume des Cieux et un modèle de vie pour tous les amis de la vertu. Le prince Iziaslav avait une grande vénération pour Saint Théodose, et il venait souvent lui rendre visite pour solliciter ses conseils. Un jour qu'il arriva après la fermeture des portes, le portier refusa de lui ouvrir en disant que l'higoumène avait donné l'ordre de n'ouvrir à personne une fois la nuit tombée, même s'il s'agissait du prince. Il laissa donc le souverain dehors et alla prévenir le Saint. Cet épisode édifia fort le prince qui, loin de s'irriter, montra encore plus de respect envers Saint Théodose et son monastère.
Lorsque le prince Sviatoslav de Tchernigov chassa son frère Iziaslav du trône de Kiev, Saint Théodose lui reprocha ouvertement son acte et refusa de commémorer l'usurpateur pendant les offices.
Pendant le Grand Carême, le Saint avait coutume de se retirer dans la grotte où ils avaient commencé leur vie ascétique, et il ne réapparaissait que le vendredi avant la Semaine Sainte, pour instruire les frères. Il endurait dans cette grotte de nombreuses attaques des démons, mais les repoussait bravement par le jeûne et la prière, et en ressortait triomphant pour célébrer la résurrection du Seigneur.
Il enseignait surtout par l'exemple : travaillait souvent lui-même à la boulangerie ou à la cuisine, et entreprenait sans murmure les travaux que d'autres frères avaient refusé d'accomplir. S'il apprenait que le repas avait été préparé sans la bénédiction d'usage de l'higoumène, ou si quelque querelle avait eu lieu lors de sa préparation, il ordonnait de jeter toute la nourriture au feu. Lorsqu'en visitant les cellules des moines, il y trouvait des objets inutiles, de l'argent ou de la nourriture, il les brûlait aussitôt et leur rappelait qu'un vrai moine ne doit rien posséder en particulier.
Saint Théodose montrait aussi un grand amour pour les pauvres et avait fait construire une hôtellerie près du monastère, où l'on accueillait tous les nécessiteux qui se présentaient. Chaque samedi, le Saint envoyait une cargaison de pains aux détenus dans les prisons de Kiev. Ayant acquis par sa charité et par sa persévérance dans la prière une grande faveur auprès de Dieu, il chassait les esprits impurs, guérissait les malades et avait acquis le don de clairvoyance.
Une nuit, des voleurs voulurent dérober les objets précieux dans l'église, mais chaque fois qu'ils s'approchaient, ils étaient repoussés par des voix angéliques venant de l'intérieur et qu'ils croyaient être celles des moines. Lorsqu'au matin les moines vinrent pour célébrer l'office, les voleurs voulurent se précipiter dans l'église et les massacrer, mais à leur grande stupeur ils virent soudain l'église s'élever dans les airs. Ils prirent la fuite et, quelque temps plus tard, leur chef et trois de ses compagnons vinrent demander pardon au Saint et lui apprendre ce qui était arrivé, car aucun des moines ne s'était rendu compte de ce miracle.
La communauté ne cessant de croître, Saint Théodose pria pour que Dieu permît l'agrandissement du monastère et la construction d'une église de pierre. Peu de temps après, quatre bâtisseurs grecs venus de Constantinople se présentèrent au monastère, en disant qu'ils avaient été engagés par la Mère de Dieu elle-même, pour construire l'église dont Elle leur avait montré en vision le modèle. Ils étaient porteurs de Reliques de Saints Martyrs, destinées à être placées dans les fondements, et d'une icône miraculeuse de la Toute-Sainte. L'endroit ayant été révélé par Dieu, on mesura les proportions de l'édifice à l'aide d'une ceinture en or donnée par le prince des Varègues, Simon ; et ce fut le prince de Kiev, Sviatoslav, qui commença lui-même les travaux de fondations.
Gloire après sa naissance au Ciel
L’année 1073, Saint Antoine remit son âme au Seigneur et, un an plus tard, Dieu révéla à Théodose son prochain départ. Le Saint higoumène convoqua les frères et leur demanda de choisir un successeur. Saint Stéphane ayant été élu, Théodose lui donna sa bénédiction, embrassa paternellement chaque frère, puis il s'endormit en paix (1074).
Par la suite, le tombeau de Saint Théodose, higoumène de la Laure des grottes de Kiev et fondateur du cénobitisme (monachisme cénobitique) en Russie devint une source de miracles.
Saints Antoine et Théodose ne cessèrent pas de veiller sur le monastère ; et, dix ans plus tard, ils apparurent à des iconographes de Constantinople pour leur commander d'aller procéder à la décoration de l'église de la Laure, laquelle une fois achevée, fut inaugurée en 1089 par Jean, Métropolite de Kiev.
Saint Théodose nous a laissé un héritage épistolaire (pas encore traduit en français) :
- Enseignement sur les châtiments de Dieu.
- Enseignements contre ivrognerie.
- Enseignements sur la foi des chrétiens et la foi de latins.
Ce dernier est fort intéressant, car il témoigne la réception dans la Russie de Kiev entre les hétérodoxes en Occident (patriarcat de Rome) et les orthodoxes en Orient (patriarcats de Constantinople, d’Antioche, de Jérusalem, d’Alexandrie).
En effet, après l’an 1054, les papistes romains se sont éloignées des dogmes chrétiens, clairement définis par les Apôtres et les sept conciles œcuméniques. Ils ont inséré dans le Credo une phrase erronée sur l’Esprit Saint. Et ils avaient dilué la rigueur de l’éthique chrétienne par des doctrines morales lâches. En même temps, ils avaient ordonné le célibat pour tout le clergé, contrairement au fait que l’apôtre Pierre des Douze, et de nombreux apôtres parmi les Soixante-Dix, avaient été des hommes mariés. Le Pape de Rome s’est élevé, du point de vue de son autorité aussi bien ecclésiastique que séculaire, à la position d’un autocrate. Une telle organisation, semi-religieuse et semi-militaire, n’excluait aucun moyen pour arriver à une domination absolue. Plus tard, en 1204, la Quatrième Croisade fut entreprise selon l’ordre du Pape, non pour libérer Jérusalem, mais pour asservir les chrétiens orthodoxes de Constantinople et de les soumettre au papisme romain. Un royaume latin fut également établi à Salonique, et un autre dans le reste de la Grèce. Au nord, des rois dépendants du Pape de Rome, furent souvent incités par le Vatican à combattre et conquérir la Serbie orthodoxe, afin la forcer d’abandonner l’Orthodoxie.
Ce pour cette raison, saint Théodose de Kiev fait une opposition claire entre les chrétiens et les latins. Pour lui, comme pour tous les princes russes, ceux qui n’observent pas la foi orthodoxe, ne sont pas dignes d’être nommé « chrétiens ».
De la même manière que la ville de Kiev est nommé " la mère de ville russes ", les saints pères Antoine et Théodose de Kiev sont les pères du monachisme russe.