Un désir sincère de salut est la première condition nécessaire (de notre côté) pour que nous puissions grandir dans la perfection spirituelle ; car celui qui ne désire pas quelque chose, ne la cherche pas et ne la recevra pas.
Bien que Dieu nous a créés sans nous, Il ne peut pas nous sauver sans nous. Sans nous, Dieu nous inspire seulement la pensée du salut ; le désir de le faire se passe avec nous ; et les bonnes actions – à travers nous.
Le salut n’est pas une affaire de hasard, il ne viendra pas tout seul avec le temps et les circonstances de la vie sans notre désir et notre recherche. Et pour le désirer, il est nécessaire d’être conscient et de se rappeler que même si nous ne suivons pas tous sur le même chemin dans le domaine la vie spirituelle et que nous ne recevons pas tous les mêmes dons de la nature et de la grâce, mais tous, nous sommes obligés de nous efforcer d’atteindre la plus grande perfection au mieux de nos capacités.
Cela est exigé, premièrement, par notre condition actuelle, qui nous expose toujours au danger de tomber si nous ne restons pas éveillés (voir Jacques 5:7 et 1 Pierre 5:8).
Deuxièmement, par la propriété essentielle de notre esprit, qui est toujours actif, de chercher continuellement à se développer davantage, à atteindre une plus grande perfection mentale et morale. Pour reprendre les mots de saint Grégoire le Grand, notre âme est comme un bateau qui remonte un fleuve. S’il ne monte pas, il descend ; il ne peut pas rester en place. De même, il nous est moralement impossible de nous tenir sur un degré si nous ne nous étendons pas vers l'avant.
Celui qui ne s’élève pas est condamné à tomber, car la vertu, lorsqu’elle cesse d’être en éveil, s’affaiblit. Et la négligence même des talents qui nous sont donnés est déjà un péché (voir Luc 19:11-28). Dans cette parabole nous voyons que l’esclave paresseux, qui avait reçu un talent de son maître, a été condamné pour l’avoir laissé sans usage et sans accroissement (voir Matthieu 25:24-30).
Troisièmement, tant le commandement clair du Sauveur d’être parfait « comme votre Père céleste est parfait » (Matt. 5:48), et l’enseignement des apôtres, qui ont ordonné à tous de croître dans la grâce, dans la connaissance du Seigneur (cf. 2 Pierre 3:18) et dans l’amour, pour devenir de plus en plus parfaits (cf. 2 Corinthiens 13:11 ; 1 Corinthiens 12:31 ; 1 Thessaloniciens 4:1-10 ; Philippins 1:9 ; Hébreux 6:1).
Quatrièmement, selon l’apôtre, toute la nouvelle construction de notre salut consiste en ce qui suit : « la volonté de Dieu est votre sanctification » (1 Thessaloniciens 4:3), puisque dans le Christ Jésus, nous sommes une nouvelle « créature, créée [...] pour les bonnes œuvres » (Éphésiens 2:10) et que, n’étant pas nôtres, mais achetés par le sang honnête de l’Agneau pur (voir 1 Corinthiens 6:20), nous n’avons pas le droit de vivre le reste du temps dans la chair différemment, « mais selon la volonté de Dieu » (1 Pierre 4:2).
Et la volonté de Dieu est que nous nous efforcions continuellement d’atteindre la mesure de la « pleine stature du Christ » (Éphésiens 4:13), c’est-à-dire d’être parfaits, saints, « comme le Père est parfait.... Père céleste » (Matthieu 5:48). La sainteté doit combiner toutes les vertus spirituelles afin que l'image de Dieu brille dans toutes nos pensées, inclinations et actions.
Le désir de perfection spirituelle, ou de salut, ne doit pas être froid, léthargique, mais intense, car le Royaume des Cieux s’obtient avec effort, et seulement ceux qui le cherchent avec effort (voir Matthieu 11:12) ; il doit être intense, du genre à avoir faim et soif – seuls « ceux qui ont faim et soif de justice ... seront rassasiés » (Matthieu 5:6). C’est pourquoi le Sauveur persuade : « Efforcez-vous d’entrer » dans le Royaume des Cieux « par la porte étroite ; car, Je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas" (Luc 13:24).
Notre nature dégradée, aimant le péché, est paresseuse pour le bien, et la vertu est difficile au début, parce que nos inclinations sensuelles s’y opposent : la chair désire contrairement à l’esprit et est fortement attirée par les plaisirs du péché, de sorte que nous faisons souvent, selon les paroles de l’Apôtre (cf. Romains 7:15-25 et Galates 5:16-17), non pas ce que nous voudrions faire, mais ce que nous ne voulons pas faire.
L’exploit est particulièrement difficile au début du chemin de la piété, alors que les inclinations de la nature sensuelle sont encore fortes et que la disposition au bien est faible, que les plaisirs du péché sont attirants et que la vertu nous est encore peu familière, qu’elle nous fait peu sentir sa douceur.
Mais avec le temps, lorsque l’esprit se fortifiera progressivement et augmentera la disposition à la vertu, et que les pulsions sensuelles s’affaibliront dans la même mesure, alors les plaisirs du péché perdront leur attrait, deviendront dégoûtants, et la vertu sera plus aimable, plus attrayante et l’exercice de celle-ci procurera du plaisir.
Mais cela n’est pas facile et ne s’obtient pas rapidement, pour cela il est nécessaire de faire des efforts continus, il est nécessaire de se forcer aux vertus.
Comme le dit saint Macaire le Grand, celui qui est venu au Christ doit d’abord se forcer à faire le bien, même si notre cœur ne le veut pas. Quand Dieu voit que, n’ayant pas encore l’habileté de prier et n’ayant pas encore acquis la prière spirituelle, nous nous efforçons ainsi et, même si notre cœur y résiste, avec effort nous attirons vers le bien, alors Il donne la vraie prière, donne la miséricorde, la patience, la grandeur d’âme, en un mot, Il nous remplit de tous les fruits de l’Esprit.
Mais si quelqu’un, étant pauvre en autres vertus, et qui, peut-être, se forcera à la seule prière, et donc aura le don de la prière, mais ne se soucie pas et ne se préoccupe pas de la douceur, de l’humilité, de l’amour et de toute la noble famille des vertus, alors, bien qu’une telle personne reçoive parfois partiellement la grâce de la prière, cette personne reste privée de toutes les autres vertus, parce qu’elle ne s’est pas forcée à les acquérir et qu’elle n’a pas supplié le Christ pour cela.
C’est pourquoi celui qui veut croître dans toutes les vertus et atteindre la perfection, doit au début, comme il est dit, se contraindre à toutes les vertus, et s’efforcer de rendre son cœur têtu et rebelle souple et soumis à Dieu.
Car celui qui s’est ainsi astreint au début, qui a complètement adouci la dureté de son âme par un bon caractère, qui est devenu obéissant à Dieu, et qui, avec une telle disposition, demande et prie, en lui croît et s’épanouit le don qui lui a été fait.
Alors le Seigneur, voyant que l’homme se maîtrise lui-même et se force pour tout bien, alors Il lui accordera avec le temps de faire sans difficulté et avec aisance ce qu’il ne pouvait faire auparavant et avec contrainte à cause de la malignité qui l’habite.
Et alors toutes les vertus se transforment pour l’homme comme dans la nature, parce que le Seigneur, selon la promesse, vient et demeure déjà en lui et accomplit Lui-même les commandements en lui avec une grande commodité.
Car, ce qui est facile et vite acquis n’est pas si précieux et vite perdu.
Nous devons faire en sorte que le désir de perfection non seulement ne soit jamais interrompu, mais qu’il augmente constamment de jour en jour, avec un effort que nous faisons pour exceller de plus en plus.
De même que toute force s’affaiblit peu à peu si elle reste longtemps inactive, de même le zèle pour la piété peut s’affaiblir s’il n’est pas réchauffé chaque jour.
L’apôtre nous persuade de ne pas faiblir dans l’ardeur, et même de s’enflammer d’un esprit de zèle au service de Dieu (cf. Romains 12:11). Et s’efforcer aux exploits de la piété est possible et nécessaire par la crainte de Dieu, parce que par la crainte de Dieu chacun est détourné du mal (cf. Proverbes 16:17), et parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (cf. Psaume 110:10).
Rappelons que le serviteur paresseux qui a caché dans la terre le talent reçu de Dieu, c’est-à-dire qui l’a laissé sans usage et sans accroissement, a été puni (Matthieu 25:24-30).
Vous devez vous forcer à faire le bien par la mémoire (avec crainte) de la mort. Le Sage dit : « Dans toutes tes actions, souviens-toi de ta fin » (Sir. 7:39), c’est-à-dire de la mort, du jugement, de l’éternité, « et tu ne pécheras jamais ».
Le zèle pour la piété peut être encouragé par la prière ardente, combinée au jeûne, à la lecture des Saintes Écritures, des écrits des saints pères, des hagiographies (vies des saints), à la méditation sur les sujets divins, à la disposition à la piété, à l’activité bonne et incessante.
Et elle s’éteint par la froideur à l’égard de Dieu, la satiété alimentaire, les soucis excessifs des choses terrestres, l’inattention à soi-même, les amusements dans les distractions, les amusements avec les vains propos, les rires, les plaisanteries, surtout les commérages sur les autres, et les péchés en général.
Saint Chrysostome explique par une belle comparaison comment s’éteint la gracieuse flamme du zèle pour la piété.
De même que la lampe allumée s’éteint sous l’influence de l’eau, de l’ajout de la terre, d’un vent violent, ou du manque de l’huile ; de même la gracieuse flamme du zèle est éteinte par une vie impure et vicieuse (comme l’eau), par les soucis excessifs de la vie mondaine (comme la terre), par le manque d’inclination à la piété, par la froideur à l’égard de Dieu, par le manque de compassion (comme un manque de l’huile), et par l’esprit de colère, attisé par l’esprit du mal – par le diable (comme le vent).
Il faut fermer donc les portes, c’est-à-dire les sentiments, la bouche, les yeux, les oreilles, afin que l’esprit du mal n’y pénètre pas ; faire l’aumône, être zélés pour Dieu, ne pas s’attacher aux choses terrestres, ne pas se laisser irriter par les offenses des autres, vivre purement – et alors la flamme du zèle brûlera avec éclat.
Il faut s’efforcer de maintenir constamment le zèle pour la piété ; à cette fin, il est nécessaire de renouveler chaque jour notre intention de prospérer davantage et d’exciter en nous la ferveur. C’est comme si nous nous engagions aujourd’hui pour la première fois sur le chemin de la piété, et de se dire : « Seigneur, aide-moi dans ma bonne intention et mon saint service envers Toi ; donne-moi aujourd’hui de prendre un bon départ pour une vie meilleure, car ce que j’ai fait jusqu’à présent n’a aucune valeur ».
Le succès de notre parcours dans le domaine de la piété dépendra de notre intention et de notre détermination ; et une grande diligence et une application sont nécessaires à celui qui veut prospérer spirituellement.
Si celui qui a une intention ferme faiblit souvent, qu’arrivera-t-il à ceux qui renouvellent rarement leur intention ou qui ont moins de zèle pour exceller dans les actes de piété ?
Il est donc bon de toujours se rappeler combien nous sommes loin de la vraie sainteté de vie.
Selon les propos de saint Augustin, il ne faut jamais se complaire dans son état actuel si l’on veut atteindre ce que l’on n’est pas encore devenu. En effet, lorsque tu te plais, tu t’es arrêté. Et si tu dis que ça te suffis ce que tu as déjà acquis, alors tu as péri.
Certains, après être entrés dans le chemin de la piété et avoir fait quelques pas, s’arrêtent dans le chemin (bien qu’ils s’abstiennent des vices grossiers, mais ils négligent les petits péchés, laissés sans attention), continuent à se plaire à eux-mêmes et à juger sévèrement les actions des autres.
De cette attitude, le zèle pour la piété se refroidit peu à peu, et vient la négligence, voire l’indifférence parfaite, sur laquelle tombe la menace du Seigneur : « Comme tu es tiède, et que tu n’es ni chaud ni froid, Je te rejetterai de Ma bouche. Car tu dis : " je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien " ; et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, miséreux, aveugle et nu » (Apocalypse 3:16-17).