Chrétiens de dimanche

#Degré 3

Du point de vue de statistiques officielles – chrétien est celui qui fait baptiser ses enfants et qui donne la sépulture chrétienne à ses proches défunts. L’analyse étatique ne va pas au-delà de ces faits ; quelqu’un qui appartient à la culture traditionnelle chrétienne est chrétien. Parmi ces personnes on peut trouver l’intensité de la croyance très différente.

Il existe dans le langage courant une expression de « chrétiens de dimanche ».

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Ce sont des gens baptisés qui vont plus ou moins régulièrement en église. Certains – chaque dimanche, d’autres – 1 fois par mois, et il y en a qui vont uniquement 1 fois par an – pour Pâques. Mais leur vie au quotidienne, leur manière d’agir et de penser n’est pas différente des personnes athées qui les entourent. Ils se comportent chrétiennement lorsqu’ils sont à l’intérieur de l’église ; mais une fois sorti, l’enseignement reçu via les chants et la lecture pendant l’office n’est pas appliqué.

C’est-à-dire, le fait qu’ils reconnaissent le christianisme orthodoxe comme leur raison d’être ne change pas leur manière d’être.

Saint Jean Chrysostome (+407) est un prédicateur qui parle de ce phénomène :


« L’Eglise va très mal, et pourtant vous croyez qu’elle est en paix. Le comble, c’est que, malgré le nombre de nos malheurs, nous ne savons même pas que ces malheurs nous atteignent !

- Que dis-tu ! Nous avons les églises, leurs possessions et tout le reste, les liturgies ont lieu, le peuple des fidèles y va chaque jour – et nous tiendrions tout cela pour négligeable ?

- Mais ce n’est pas sur ce critère qu’on peut estimer la situation de l’Église.

- Sur quel critère ? dira-t-on.

- S’il y a une vie de foi ; si chaque jour nous rentrons chez nous avec profit ; si nous en retirons un fruit, grand ou petit ; si nous ne nous contentons pas simplement d’observer la loi et d’accomplir les rites.

Qui est devenu meilleur après être allé à l’église un mois entier ? Voilà ce que l’on se demande. De fait, même ce qui paraît être une bonne action en est une mauvaise lorsqu’elle est sans suite.

Quel fruit recueillez-vous des offices dans nos églises ? Même si vous y trouvez quelque utilité, cela fait longtemps que vous devriez tous vivre la vie de la sagesse : tant de prophètes vous parlent deux fois par semaine, tant d’apôtres, tant d’évangélistes !

Tous vous explosent les vérités du salut et vous présentent avec beaucoup de précision ce qui pourrait régler votre comportement.

Le soldat qui va à l’exercice gagne en précision tactique ; l’athlète qui se rend sur la palestre y acquiert de l’entraînement à la lutte ; le médecin qui consulte son maître gagne en précision, en savoir et en compétence.

Mais toi, quel profit as-tu retiré ?

Je ne parle pas pour ceux qui viennent une fois l’an, mais pour ceux qui vont régulièrement à l’église depuis leur première jeunesse.

Croyez-vous que la vie de foi consiste à aller toujours à la liturgie ?

Ce n’est rien, si nous n’en recueillons pas de fruit. »

(Extrait de « Homélies sur les Actes des apôtres »)


Mais pour que la citation ci-dessus ne soit pas utilisée par des gens paresseux pour ne plus du tout aller participer aux offices, saint Jean Chrysostome continue :

« Encore des courses de chevaux, et voici encore que notre réunion s’est faite moins nombreuse, ou plutôt, tant que vous êtes là, elle ne saurait être moins nombreuse.

En effet, de même que le laboureur, lorsqu’il voit le blé mûr à point, ne s’inquiète pas beaucoup des feuilles qui tombent, de même moi aussi actuellement, devant la récolte qui se présente à nous, je n’éprouve pas tellement de chagrin en voyant les feuilles arrachées.

Je souffre, certes, de la négligence de ces gens-là, mais le zèle de votre amour me console de la souffrance qu’ils me causent.

En effet, ces gens-là ont beau se trouver parfois présents, même alors ils ne sont pas là, leur corps est bien ici, mais leur pensée erre au dehors ; tandis que vous, vous avez beau parfois être absents, même alors vous êtes là, car votre corps est ailleurs, mais votre pensée est ici.

J’aurais donc voulu prononcer cotre eux un long discours, mais pour ne pas paraître combattre contre des ombres en faisant des reproches à des gens qui ne sont pas là et qui n’entendent pas, je garde mes paroles en réserve pour le moment où ils seront présents et je m’efforcerai, avec la grâce de Dieu, de conduire votre amour dans la prairie accoutumée et sur l’océan des divines Ecritures. »

(Extrait de « Sur l’égalité du Père et du Fils »)


Pour ceux qui disent « je peux prier aussi dans ma maison », saint Jean Chrysostome répond :


« Si tu peux en effet prier à la maison, tu ne saurais y prier de la même façon qu’à l’église, où se trouve un si grand nombre de pères spirituels et où une clameur unanime monte vers Dieu. Quand tu invoques le Seigneur dans ton particulier, tu n’es pas exaucé aussi bien que lorsque tu le fais en compagnie de tes frères. Il y a ici quelque chose de plus, à savoir l’accord des esprits et des voix, le lien de l’amour et les prières des prêtres…

Non seulement les hommes font entendre ces clameurs redoutables et sacrées, mais les anges en même temps se jettent aux pieds du Seigneur et les archanges Le prient : c’est le moment favorable qui combat pour eux, quand l’offrande est là pour les aider ! »

(Extrait de « Sur l’incompréhensibilité de Dieu »)


Nous avons retenu qu’il faut pour notre salut d’aller fréquemment dans l’église et y prier avec l’attention. Mais, est-ce que la lecture entendue pendant les offices à l’église est suffisante ? Saint Jean Chrysostome nous exhorte de lire quotidiennement la Bible :


« Je donne toujours ce conseil et ne cesserai de le donner : ne soyez pas seulement attentifs à ce qui est dit ici à l’église, mais une fois rentrés chez vous, appliquez-vous à lire régulièrement les divines Écritures. C’est d’ailleurs ce à quoi j’incite toujours mon propre entourage.

Que personne n’invoque devant moi ces prétextes pleins d’une coupable froideur : « Je suis cloué au tribunal, les affaires de l’État m’accaparent, j’exerce un métier, j’ai une femme, j’élève des enfants, je dirige la maison, je suis un homme qui vit dans le monde : il ne m’est pas possible de lire les Écritures, c’est plutôt ceux qui se sont retirés là-haut dans les montagnes et mènent constamment ce genre de vie qui le doivent ! »

Que dis-tu ? Est-ce que ce n’est pas précisément ton intérêt d’être attentif aux Écritures, toi qui es tiraillé de tous côtés par mille soucis ? Oui, c’est plus ton intérêt que le leur ! Car eux, ils ont moins besoin du secours des divines Écritures que ceux qui sont pris au milieu d’un tas d’affaires. Les moines sont débarrassés de la vie en société et de ses tumultes, ils ont fixé leurs cabanes dans le désert et n’ont de rapport avec personne : ils jouissent en philosophes de la sûreté et du calme de cette vie tranquille, aussi en sécurité que dans un havre de paix.

Nous, en revanche, qui sommes ballottés comme en pleine mer, nous sommes nécessairement exposés à mille péchés et avons un besoin constant et régulier du réconfort des Écritures.

Eux sont loin de cette bataille, si bien qu’ils subissent peu de blessures.

Toi, en revanche, tu te tiens constamment en première ligne et les coups pleuvent sur toi, si bien que tu as davantage besoin d’être soigné. Ta femme t’agace, ton fils te chagrine, ton serviteur te met en colère, ton ennemi complote contre toi, ton ami te jalouse, ton voisin cherche à te nuire, ton collègue te fait un croc-en-jambe, souvent encore le juge te menace, la pauvreté te chagrine, la perte de gens proches te plonge dans le deuil, la prospérité te monte à la tête, l’infortune te déprime : que d’occasions de soucis, de tristesse et de chagrin, de gloriole et de déraison nous entourent nécessairement de toutes parts et de tous côtés nous portent leurs mille attaques ! Voilà pourquoi nous avons constamment besoin de l’armure des Écritures. »

(Extrait de « Homélies sur Lazare »)