Saint Jean du Sinaï, surnommé « Climaque » à cause du titre son unique livre (« climax » en grec veut dire « échelle »), vécut à la fin du VIème siècle et au début du VIIème.
Généralement, dans l’Orthodoxie il existe un principe suivant : les livres écrits pour les moines doivent être lus par les moines, et les chrétiens vivant dans le monde lisent des livres qui correspondent à leur situation. Mais, il y a une exception à cette règle. « L’ÉCHELLE SAINTE » de saint Jean Climaque est un des livres le plus connus parmi les écrits de saints pères de l’orthodoxie. Ce livre est un manuel de spiritualité chrétienne. L’auteur est un abbé de monastère et il écrivit ce livre pour inciter les moines de suivre la voie commune afin de gravir l’échelle d’ascension spirituelle en empruntant les degrés dans l’ordre. Cet ouvrage qui est, en principe, adressé aux moines, concerne chaque chrétien orthodoxe, car il expose le « chemin étroit » (Matthieu 7:13-14).
L’importance de ce livre est très grande et le quatrième dimanche de Grand Carême est dédié à la mémoire de son auteur.
Le but de cette publication est de présenter « L’ÉCHELLE SAINTE » de saint Jean Climaque par des citations directement compréhensibles par des chrétiens vivant dans le monde. Afin de donner envie à ces derniers de commencer à lire les ouvrages patristiques et commencer à mener la vie spirituelle conformément aux enseignements orthodoxes.
« L’ÉCHELLE SAINTE » comporte trente degrés.
Ci-après, les huit premiers degrés sont représentés par quelques citations :
Premier Degré : rejeter la vie mondaine
1. Un homme impie est l’être humain qui se détourne volontairement de la vie éternelle et considère son propre Créateur, le Toujours-existant, comme n’existant pas.
2. Le chrétien est celui qui imite le Christ, autant qu’il est possible à l’homme, en paroles, en œuvres et en pensées, et croit en la sainte Trinité d’une foi droite et exempte d’erreur.
3. Puisque c’est un Dieu et un Roi qui nous appelle à Son service, courons avec ardeur, car nous n’avons en effet que peu de temps à vivre, et nous risquons d’être trouvés sans fruit au jour de notre mort et de périr de faim. Cherchons à satisfaire notre Seigneur, comme des soldats leur roi, car, après la fin de la campagne, il sera exigé de nous un compte exacte de notre service.
4. J’ai entendu des gens qui vivaient dans le monde avec négligence me demander : « Comment pouvons-nous mener la vie spirituelle, nous qui sommes mariés et assaillis de soucis temporels ? ». Je leur ai répondu : « Tout le bien que vous pouvez faire, faites-le ; n’injuriez personne, ne mentez à personne, ne vous élevez au-dessus de personne, ne haïssez personne, ne manquez pas la liturgie dominicale, ayez compassion de ceux qui sont dans le besoin, ne scandalisez personne, ne vous approchez pas de la femme de votre prochain et contentez-vous de votre solde, c’est-à-dire de votre épouse. Si vous agissez ainsi, vous n’êtes pas éloignés du Royaume Céleste. ».
5. Courrons avec joie et amour au bon combat, sans nous laisser intimider par nos ennemis. Bien qu’invisibles eux-mêmes, ils observent le visage de notre âme, et s’ils le voient altéré par la frayeur, ils prennent d’autant plus férocement les armes contre nous. Car ces fourbes voient bien si nous avons peur. Prenons donc les armes contre eux avec courage, aucun d’eux ne s’attaquera à un combattant résolu.
Deuxième Degré : déposer les soucis de ce monde
6. L'homme qui est arrivé à détester les joies mondaines a échappé à la tristesse de ce monde.
7. Veillons sur nous-mêmes pour ne pas nous abuser en croyant suivre la voie étroite et resserrée, alors que nous prenons la voie large et spacieuse.
Troisième Degré : de l'exil volontaire
8. L'exil volontaire, c’est l’abandon sans retour de tout ce qui dans notre patrie, nous empêche d’atteindre le but de la piété.
9. Fuis comme la peste les lieux qui te sont occasion de péché. En effet, quand le fruit est absent, nous le désirons avec moins d’ardeur.
10. Efforçons-nous d’imiter Lot, et non sa femme (Genèse 19:24). Car une âme qui retourne au lieu d’où elle était sortie s’affadit et s’immobilise comme le sel.
11. Fuis l’Égypte sans te retourner ; car les cœurs qui y retournent ne verront pas la Jérusalem d’impassibilité.
12. Ce n’est pas par haine que nous nous séparons de nos proches et des lieux qui nous sont familiers – à Dieu ne plaise ! – mais c’est pour fuir les dommages qui pourraient nous advenir de leur part.
13. Sur ce point comme en toute chose, le Seigneur s’est montré notre Maître. Car évidement Il a souvent quitté Ses parents selon la chaire. Et quand on Lui a dit : « Ta mère et Tes frères Te cherchent » (Matthieu 12:47), notre bon Maître nous a enseigné aussitôt : « Ma mère et Mes frères sont ceux qui font la volonté de Mon Père qui est dans les cieux ».
14. Nul ne s’est exilé d’une meilleure façon que le grand patriarche auquel il avait été dit : « Sors de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père » (Genèse 12:1). Et pourtant, il était invité à se rendre en une terre barbare et dont il ignorait la langue.
15. C’est par beaucoup de labeur et de fatigue que l’on parvient à établir solidement en soi de bonnes mœurs. Mais ce qui a été obtenu au prix de tant de fatigues peut se perdre en un instant. Car « les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » (1 Corinthiens 15:33). Compagnies qui sont à la fois mondaines et immondes.
Quatrième Degré : de l'obéissance
16. Admirer les travaux des saints, c’est bien. Vouloir rivaliser avec eux, cela procure le salut. Mais prétendre d’un seul coup imiter en tout point leur genre de vie, cela est déraisonnable et impossible.
17. Celui qui découvre à son père spirituel tous les serpents (ses mauvaises pensées) montre clairement sa confiance envers lui ; mais celui qui les cache s’égare aussitôt dans des déserts sans chemins.
18. L’âme qui songe à la confession de ses fautes est retenue de pécher par là même, comme par un frein. Car nous commettons sans crainte, comme dans les ténèbres, ce que nous ne voulons pas confesser.
19. Ne soyons pas étonnés d’avoir encore à lutter après la confession : car il vaut mieux avoir à combattre contre les pensées mauvaises que contre l’orgueil.
20. Quand nous sommes tombés, les démons nous attaquent aussitôt ; ils se saisissent de notre chute, comme d’un prétexte. Le but de nos ennemis est d’ajouter une blessure à notre chute.
21. Celui qui prive l’aveugle de son conducteur, le troupeau de son pasteur, l’homme égaré de son guide, l’enfant de son père, le malade de son médecin, le vaisseau de son pilote, les met tous en danger. Et celui qui entreprend sans secours la lutte contre les esprits mauvais, se fait tuer par eux.
22. Un peu de feu amollit beaucoup de cire. Et souvent aussi, une légère humiliation qui nous arrive amollit, adoucie et efface soudainement toute la rudesse, toute l’insensibilité, toute la dureté de notre cœur.
23. Ne sois pas taciturne sans raison, apportant à tes proches le trouble et l’amertume. Et garde toi d’être lent dans tes mouvements et ta démarche, quand on te demande de te hâter ; sinon, tu serais pire que les agités et les turbulent.
24. Combats sans cesse avec ton intelligence, et chaque fois qu’elle vagabonde, rassemble-la en toi-même. Ne perds pas courage si tu es volé par les distractions, mais tiens bon et rappelle sans cesse ton intellect. Car seul l’ange est à l’abri des distractions.
25. Que les zélés soient particulièrement attentifs à eux-mêmes : car s’ils jugeaient les négligents, ils seraient condamnés plus sévèrement que ceux-ci. Je pense que si Lot fut justifié, c’est parce que, vivant au milieu de telles gens, il ne semble jamais les avoir condamnés.
26. Le but des démons est de ruiner notre prière en nous troublant.
27. Selon la nature de nos passions, discernons qui sera notre père spirituel. Ne recherchons pas ceux qui sont doués de prescience et de prévision mais plutôt ceux parfaitement humbles et qui seront mieux qualifiés, tant par leur caractère que par leur lieu de résidence, pour guérir nos maladies.
Cinquième Degré : du repentir
28. La pénitence est une restauration du baptême. La pénitence est une fille de l’espérance, et le renoncement au désespoir. La pénitence est la réconciliation avec le Seigneur par la pratique des bonnes œuvres contraires aux péchés commis. La pénitence est la purification de la conscience.
29. Après nos chutes, combattons par-dessus tout le démon de la tristesse : il se présente à nous au temps de la prière, et, nous remettant en mémoire notre première familiarité avec Dieu, il s’efforce de détruire notre prière.
30. Ne t’étonne pas de tomber tous les jours ; n’abandonne pas la lutte, mais maintiens courageusement ton effort. Et ton ange gardien lui-même rendra hommage à ton endurance.
31. Tant qu’une plaie est récente et vive, elle est facile à guérir ; mais les plaies anciennes, longtemps négligées et non traitées, sont difficiles à soigner. Elles nécessitent de longs efforts, et il faut même y appliquer le fer et le feu. Beaucoup, avec le temps, deviennent incurables ; cependant, tout est possible à Dieu.
32. Avant la chute, les démons nous disent que Dieu est ami des hommes ; mais quand nous sommes tombés, ils Le prétendent impitoyable.
33. Celui qui veut véritablement son redressement, considère comme perdue chaque journée où il n’a pas été touché de componction, quelque bien qu’il ait pu faire par ailleurs.
34. Si notre conscience cesse de nous faire des reproches, prenons bien garde que ce soit, non à cause de notre pureté, mais parce que nous sommes plongés dans le mal.
35. Rien n’égale ni ne surpasse les miséricordes de Dieu. C’est pourquoi celui qui désespère est son propre meurtrier.
36. Le signe d’un vrai repentir, c’est de reconnaître que nous méritions toutes les tribulations visibles et invisibles qui nous arrivent, et même de plus grandes.
37. Après avoir vu Dieu dans le buisson, Moïse retourna en Égypte, c’est-à-dire dans les ténèbres, et se remit à fabriquer des briques pour pharaon, image du pharaon spirituel. Mais il revint de nouveau au buisson, et non seulement au buisson, mais à la montagne. Celui qui a compris cette figure ne désespérera jamais de lui-même. Job tomba dans la misère, mais il redevint ensuite deux fois plus riche qu’avant.
38. Dans ma pénitence s’embrasera le feu de la prière qui consumera la matière.
Sixième Degré : de la mémoire de la mort
39. La pensée précède toute parole ; ainsi le souvenir de la mort et de nos péchés précède les larmes et la componction.
40. La crainte de la mort est une propriété de la nature qui lui a été surajoutée du fait de la désobéissance ; mais la terreur de la mort est l’indice de fautes dont on ne s’est pas repenti.
41. La pensée intense de la mort conduit à restreindre la nourriture ; et quand la nourriture est restreinte avec humilité, les passions sont également retranchées.
42. L’abondance de nourriture dessèche la source des larmes.
43. Nombreux sont les exercices de l’intellect actif. Je veux parler de tout ceci : la pensée de l’amour envers Dieu ; le souvenir de Dieu et de Sa présence ; le souvenir du Royaume Céleste ; le souvenir du zèle des saints martyrs ; le souvenir de saints Anges ; le souvenir de son propre départ, de sa comparution au tribunal, de la sentence et du châtiment. Nous avons commencé par ce qui est sublime, mais nous avons terminé par ce qui est exempt d’illusions.
44. La pensée de la mort amène la pureté et l’activité de l’âme à un état d’incorruptibilité.
45. Il est impossible de passer pieusement le jour présent si nous ne le considérons pas comme le dernier de notre vie.
Septième Degré : de larmes qui font naître de la joie
46. L'affliction selon Dieu est une tristesse de l’âme, une disposition d’un cœur pénétré de douleur qui lui fait rechercher avec empressement ce dont il a soif.
47. Les caractéristiques de ceux qui commencent à avancer dans cette bienheureuse affliction sont la tempérance et le silence des lèvres ; celles de ceux qui ont déjà fait quelques progrès, la douceur victorieuse de la colère et la patience à supporter les injures.
48. Les gémissements et la tristesse crient vers le Seigneur ; les larmes causées par la crainte intercèdent en notre faveur ; mais les larmes du très saint amour nous manifestent que notre prière a été agréée.
49. Conserve avec tout le soin possible cette bienheureuse et joyeuse tristesse de la sainte componction, et ne cesse pas de t’y exercer, jusqu'à ce qu’elle t’élève au-dessus de toutes les choses de ce monde et qu’elle te présente, pur, devant le Christ.
50. À celui qui a reçu les larmes de l’âme, tout lieu convient pour affliction. Mais celui dont l’œuvre n’est encore qu’extérieure, doit user de discernement quant aux lieux et à la manière convenables.
51. La mer se retire avec le temps (Job 14:11). Et avec du temps et de la constance, peu à peu s’acquiert et se perfectionne en nous tout ce dont nous avons parlé.
52. Lorsque notre âme, sans aucun effort délibéré de notre part, se sent fondre en larmes et se voit tout attendrie et apaisée, courons ! Car le Seigneur est venu sans y être invité, et Il nous présente l’éponge de la tristesse qui Lui est chère et l’eau rafraîchissante des larmes agréables à Dieu pour effacer la cédule de nos crimes. Garde ces larmes comme la prunelle de ton œil jusqu’à ce qu’elles se retirent. Grande est en effet la puissance de cette componction, bien supérieure à celle qui naît de nos efforts et de notre réflexion.
53. Quand nous voyons la colère ou l’orgueil en ceux qui semblent avoir l’affliction selon Dieu, nous devons considérer leurs larmes comme néfastes, car il est écrit : « Qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? » (2 Corinthiens 6:14).
54. La fausse componction engendre l’orgueil, et la vraie, la consolation.
55. Comme le feu consume les roseaux, ainsi les larmes pures détruisent toutes les impuretés visibles ou cachées.
56. La plupart des pères affirment que la question des larmes, surtout chez les commençants, est une chose obscure et difficile à trancher. En effet, les larmes naissent de causes multiples et diverses : elles peuvent venir, par exemple, de la nature humaine, de Dieu, d’une tribulation néfaste, ou louable, de la vaine gloire, de la luxure, de la charité, de la pensée de la mort, et bien d’autres motifs encore.
57. Ayant examiné, à la lumière de la crainte de Dieu, toutes ces différentes sortes de larmes, procurons-nous, pour notre part, ces lames pures et sincères qu’engendre la pensée de notre dissolution. Car il n’y a en elles ni contentement de soi ni illusion, mais au contraire purification, progrès dans l’amour de Dieu, ablution des péchés et impassibilité.
58. Ne te fie pas à tes larmes avant que ton âme soit parfaitement purifiée. En effet, on ne peut être assuré de la qualité du vin quand il sort seulement du pressoir.
59. Que toutes nos larmes selon Dieu soient très utiles, nul ne le conteste ; mais quel bénéfice elles nous ont procuré, nous ne le saurons qu’à l’heure de la mort.
Huitième Degré : de la douceur et l'absence de colère
60. Le commencement de la victoire sur la colère est le silence des lèvres quand le cœur est agité ; le progrès en est marqué par le silence des pensées devant un simple trouble de l’âme ; et la perfection en est la sérénité imperturbable de l’âme sous le souffle des vents impurs.
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