Unité de l’Eglise

#Degré 1

Morceaux choisis à partir de la lettre de Mgr. Hilarion Troïtsky à H. Gardiner.

Monseigneur Hilarion Troïtsky, LETTRE SUR L'UNITÉ DE L'ÉGLISE (introduction) :

Pendant les années 1915 et 1916 j’avais suivi avec grand intérêt, dans la revue « Foi et Raison », votre correspondance avec l'archevêque Antoine de Kharkov, l’un des hiérarques les plus éclairés de l’Eglise Russe. Cette correspondance m’a paru l’événement le plus marquant pour la théologie russe, ces deux dernières années. L’ardeur à défendre la vérité divine qui transparaît dans ces lettres se conjugue merveilleusement avec la sincérité, l’amour et la bienveillance. L’Archevêque Antoine expose, en effet, ses objections avec franchise et détermination. J'ai été heureux aussi de lire vos commentaires à ces objections dans l’une de vos brochures en grec moderne ; vous sentez que ces critiques ne sont pas celles d’un ennemi cherchant à semer la discorde parmi les frères. J’ai lu encore, dans votre lettre du 1 (14) novembre que vous étiez attaché à une forme de recherche qui, dans un esprit d’humilité, révélerait de nouveaux aspects de la Vérité divine ou encore séparerait l’ivraie du bon grain. C’est pourquoi je suis bien convaincu que je peux vous parler en toute franchise sans vous dissimuler mon total désaccord avec vous sur certains points, et sans passer sous silence le caractère contestable de certaines de vos propositions.


Mgr. Hilarion mourut dans le camp de concentration à Solovki en 1929 du typhus mais aussi d’épuisement.

Ci-après la photo du monastère de Solovki, transformé par les bolcheviques en camp de concentration :

En matière de Foi il ne peut y avoir qu’une stricte orthodoxie : il y a la vérité ou l’erreur, mais il ne peut y avoir une vérité qui soit stricte et une autre qui le serait moins.



L'Eglise chrétienne n’est pas une école théologique ou philosophique, à laquelle on s'affilie en reconnaissant ses préceptes théoriques.



Qu'est-ce qui a bien pu alors déterminer l’appartenance à l'Eglise des chrétiens vivants dans les premiers temps du christianisme ? Le livre des Actes des Apôtres l’atteste : « Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés » (Act 2:47). C'est le fait d'être en union avec l’Eglise qui détermine l’appartenance à l’Eglise. II ne peut en être autrement, car l’Eglise n'est pas une idée philosophique. Elle est une nouvelle humanité, un nouvel organisme d’amour et de grâce. Elle est le corps du Christ. Le Christ Lui-même a comparé l’unité de Ses disciples à l’unité organique d’un arbre et de ses branches.



L’Eglise n’est pas seulement un seul corps mais aussi un seul Esprit. L’âme ne peut ramener à la vie un membre qui a été coupé et la sève de l’arbre qui lui est vitale, ne peut circuler dans la branche qui a été détachée. Un membre séparé meurt et pourrit. Une branche coupée sèche. Les comparaisons doivent nous guider pour discuter de l’unité de l’Eglise ; si l’on applique ces comparaisons, ces images de « l’arbre » et « du corps » à l’Eglise, on s’aperçoit que se séparer de l’Eglise, se couper de son unité est incompatible avec l’appartenance à l’Eglise.


Ce qui compte au plus haut point, ce n’est pas la portée du désaccord dogmatique qui sépare l’individu de l’Eglise, mais le fait même d’être séparé de l’Eglise, d’avoir cessé d'être uni à elle. Même s’il ne s’agit que d'une rébellion contre l’Eglise, d’une insubordination disciplinaire qui n’a pas de cause dogmatique, être séparé de l’Eglise ne peut qu’entraîner des conséquences dramatiques pour celui qui a connu cette chute. Sont séparés de l’Eglise non seulement les hérétiques, mais aussi les schismatiques. Sur le fond, il s'agit toujours du même type de séparation.


Dans l’Eglise ancienne on raisonnait de la façon suivante : « Ceux qui ne veulent pas être unanimes dans l’Eglise de Dieu ne peuvent pas être avec Dieu » ; et « ceux qui agissent ainsi prétendent faussement qu’ils sont chrétiens, tout comme le malin prétend faussement qu’il est le Christ », dit saint Cyprien de Carthage.


Ce saint Père eut fort à faire avec Novat et avec Novatien qui s'étaient révoltés contre l’Eglise. Au départ leur rébellion n'était pas une querelle dogmatique ; et pourtant saint Cyprien dit d’eux qu’ils sont en dehors de l’Eglise, eut ils ne sont pas chrétiens et qu’ils ne sont pas du Christ : « Celui qui lutte contre l’Eglise et lui résiste croit-il qu'il appartienne à l’Eglise, alors que le saint Apôtre Paul souligne en ces termes l’importance du sacrement de l’unité : « Un corps, Un Esprit … Un seul Seigneur, Une seule Foi, Un seul Baptême, Un seul Dieu » (Éphésiens 4:4-6).

L’Eglise est Une, même si, avec une incroyable fécondité, elle se divise en une multitude. Car si le soleil a de nombreux rayons, la lumière, elle, est une. Si les branches d’un arbre sont nombreuses, il n’y a qu’un tronc, bien enraciné. Si, depuis la source, coulent de nombreux ruisseaux et si l’abondance des eaux les font déborder, leur unité est néanmoins préservée à leur origine.


Séparez un rayon de lumière de son origine, l’unité de celle-ci interdit l’existence d'une lumière divisée. Coupez une branche d’un arbre, celle-ci ne pourra plus pousser. Coupez un ruisseau de sa source, celui-ci se tarira. De la même façon, l'Église, baignée de la lumière du Seigneur émet ses rayons sur le monde entier ; pourtant la lumière qu'elle répand partout est Une, et l’Unité de son Corps ne peut être brisée. Fertile et abondante, elle s'étend sur toute la terre et ses riches et larges fleuves coulent jusqu’aux confins de l’univers.


Pourtant, elle n’a qu’une Source. Elle est encore une mère généreuse et féconde ; nous sommes nés de son sein, nourris de son lait, animés par son Esprit. L’Epouse du Christ ne peut être souillée, elle est chaste et pure, elle ne connaît qu'un foyer et garde avec une chaste pudeur la sainteté de sa couche.


Pour celui qui tombe et s'éloigne de l’Eglise en s’unissant à la femme adultère, les promesses de l’Eglise ne peuvent plus se réaliser. Celui qui abandonne l’Eglise du Christ est privé des biens futurs préparés par le Christ. II est devenu un étranger, un païen, un ennemi de l’Eglise.


Celui qui n’a pas l’Eglise pour mère ne peut avoir Dieu pour père. Celui qui est hors de l'Église pourrait être sauvé, si l’un de ceux qui n'étaient pas dans l’arche de Noé avait pu échapper au déluge ».



Telles sont les paroles de saint Cyprien sur l’Unité de l’Eglise. Saint Cyprien fonde l’Unité de l’Eglise non pas simplement sur l’unanimité en matière de dogme mais sur l’union avec cet organisme qu’est l’Eglise.


Saint Jean Chrysostome écrit, quant à lui : « S’il arrivait qu’une main soit arrachée au corps, l’esprit qui vient du cerveau cherchant le membre perdu et ne le trouvant pas, ne s’échappera pas du corps pour entrer dans Ia main arrachée ; s'il ne trouve pas ce membre à sa place, il ne se communiquera plus à lui ».


Pour l’Eglise ancienne, être d’accord sur le dogme n’est pas la seule condition pour appartenir à l’Eglise ; on considérait qu'en se séparant de l’Eglise par rébellion ou par schisme, on se coupait de son unité. Pour appartenir à l’Eglise il était nécessaire d’être en communion avec elle et de lui être humblement soumis. En outre, or considérait que se séparer de l’Eglise, c'était aussi se séparer de l’ensemble des chrétiens et du Christ lui-même.



L’idée qu’on puisse appartenir invisiblement à l’Eglise et jouir de tous les dons de la Grâce qui sont dans l’Eglise tout en étant séparé d'elle visiblement, est absolument étrangère à l’Eglise ancienne.


Quant à la détestable doctrine qui prétend qu’il n’est pas nécessaire d'appartenir à l’Eglise visible, elle est totalement étrangère à l’Eglise ancienne : c’est une invention moderne suggérée par des idées et des préoccupations fort éloignées de celles de l'Eglise ancienne.